Interview d'André BALBI : RESTE-À-CHARGE ZÉRO : "L'EFFORT NE POURRA PAS ÊTRE SUPPORTÉ QUE PAR LES OPTICIENS" (Fréquence optic) Actualités


Alors que se profilent des négociations avec la ministre de la Santé à la rentrée, le Rassemblement des Opticiens de France (ROF) entend bien défendre ses vues. André Balbi, son président, nous les détaille. Mise en place de contrats-type pour les complémentaires santé, prise en charge intégrale de certains frais de santé d'ici à 2022, dont l'optique mais aussi l'audio et le dentaire… À charge pour Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé, de concrétiser les promesses de campagne d'un Emmanuel Macron désormais président. Dans un document de travail adressé au Premier ministre, que notre confrère de L'Argus de l'Assurance a consulté, la ministre de la Santé annonce le cap à suivre pour le remboursement à 100 % des équipements : il faudra, écrit-elle, "gagner en efficience tout au long de la chaîne de valeur, définir un panier de soins indispensables, à tarifs opposables, en fixant des plafonds de prix, et un partage de la prise en charge entre assurance maladie obligatoire et complémentaire". Pour évoquer ce chantier, des discussions avec les syndicats sont prévus à la rentrée, normalement en septembre. Partagé entre la Corse, où il a ses activités, et Paris, où il orchestre le Rassemblement des Opticiens de France, André Balbi répond à nos questions sur les modalités et les enjeux des négociations à venir. Que pouvez-vous nous dire de vos premiers contacts avec la nouvelle ministre de la santé ? Le ROF, accompagné par le SNOR (Syndicat national des Opticiens réunis) et l’UDO (L'Union des Opticiens), a rencontré récemment le cabinet de Madame la Ministre. Les échanges ont été à la fois très ouverts et très intéressants sur un certain nombre de sujets d’actualité pour la profession : la formation initiale des opticiens et la mise en œuvre du niveau bac +3, le devis détaillé contenu dans l’arrêté du 28 avril, la future réforme gouvernementale sur le reste-à-charge, les problématiques occasionnées par les réseaux de soins. Le ROF et les deux syndicats présents ont pu constater une réelle volonté d’un dialogue apaisé et respectueux de la part de leurs interlocuteurs, y compris sur des sujets où existe une divergence des points de vue avec les pouvoirs publics. Sur le devis détaillé prévu par l’arrêté du 28 avril 2017, le ROF considère en effet que sa mise en œuvre au 1er janvier 2018 sera très difficile pour l’ensemble de la filière, et espère qu’une solution de repli pourra être trouvée. Ce répit pourra être utile pour obtenir des réponses à un certain nombre de problèmes posés par la rédaction actuelle, notamment concernant le remboursement des prestations : car, dans le cas où elles ne seraient pas prises en charge par le régime obligatoire, quelle serait la cohérence de ce devis qui provoquerait une hausse du reste-à-charge ? Pour ce qui est des réseaux de soins et l’iniquité provoquée par les remboursements différenciés, le ROF demande que tous les assurés puissent bénéficier du même niveau de remboursement et du tiers-payant chez tous les opticiens. Sur les différents sujets abordés, le ROF est satisfait de la qualité des discussions, notamment sur la volonté du ministère d’œuvrer en réelle concertation avec les professionnels de santé. Que pensez-vous de la feuille de route de la ministre de la Santé dévoilée par L'Argus de l'assurance ? Les termes de la concertation à venir vous conviennent-ils a priori ? Les débats ne vont-ils pas une fois de plus se focaliser sur le seul critère du prix ? Concernant la feuille de route que la Ministre a transmis au Premier ministre, je tiens à souligner que je n’ai connaissance que des extraits publiés par L’Argus de l’assurance. Je me garderai donc de m’exprimer à ce sujet tant que je n’en n’aurai pas une vision complète. Au sujet de la concertation évoquée dans l’article de L’Argus de l’assurance, cela est redondant avec les premières informations obtenues lors de nos échanges avec le cabinet de Madame la Ministre, notamment sur le calendrier. Le ROF prend bonne note des intentions gouvernementales d’une concertation large et inclusive. Bien que les termes de la concertation soient pour l’instant flous, les membres du ROF sont favorables à commencer rapidement les discussions sur cette réforme, et ne s’y opposeront pas par principe. Sur ce sujet qui sera piloté à la fois par le ministère de la Santé et par Bercy, le ROF s’attachera à ce que le cadre de la discussion ainsi que les propositions débattues prennent comme point de départ le statut de professionnel de santé de l’opticien, avec comme objectif l’amélioration de l’accès aux soins visuels pour nos concitoyens. Dans cette perspective, le ROF, avec toutes les volontés désireuses de s’investir dans la défense de la profession, va s’engager dans un travail de réflexion afin de définir une ligne de conduite et des propositions à faire valoir lors des premières réunions avec le gouvernement à la rentrée. Justement, que ferez-vous valoir lors de ces négociations en septembre ? Tout d’abord, les membres du ROF souhaitent prendre toute leur part à cette future concertation sur la mise en œuvre de cette réforme, pour aboutir à une solution satisfaisante pour toutes les parties prenantes. Concernant la promesse du Président de la République, le ROF considère que des pistes existent afin de proposer des contrats de qualité sans reste-à-charge. Je tiens à rappeler que la diminution du reste-à-charge est un objectif déjà poursuivi par les opticiens, avec la mise à disposition en magasins d’équipements à moins de 100 euros et sans reste-à-charge pour le patient. Nous considérons néanmoins que la mise en œuvre des futurs "contrats Macron" (contrats-type pour les complémentaires santé_ndlr) doit se faire en tenant compte de la situation à la fois du marché et de l’exercice du métier d’opticien. La liberté du patient de recourir à un reste-à-charge doit être maintenue, ainsi que la responsabilité du professionnel de santé de proposer des équipements adaptés aux besoins visuels réels du patient. De même, la possibilité d’un reste-à-charge zéro dans trois contrats ne sera concrète pour l’assuré que si cela s’accompagne d’une réelle transparence sur les garanties que lui apporte sa complémentaire santé. Tous les acteurs de la filière, régime obligatoire, régimes complémentaires, professionnels de santé devront contribuer pour atteindre l’objectif. L'effort ne pourra pas être supporté que par les opticiens.

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